Résine de toi

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Illustration : Mathieu Gagnon

Mon huard dort au creux des bras du métro Henri-Bourassa
J’ai des papilles en gustatives de ta salive mais je résine
J’ai faim de loup j’ai goût de toi
Mon caribou mon homme des bois
Dépareillé tout en beauté
Mon épineux à temps partiel
Je t’appelle

En sourdine, en sardine, en tartine
Je résine
Les yeux fermés les lèvres gercées d’humidité
Cernée de vie engrenagée
Je t’imagine.

Bruit de métro.
Les portes s’ouvrent et il fait chaud.

Je m’urbanise en saison forte
Me dis-je en traversant la porte
Je voudrais me démaquiller, déshabituer mes centres-villes
De mes échasses de filles futiles
Je cherche à fuir le rituel des gens pressés comme des oranges
Refaire le son d’une goutte de pluie qui tombe sur le toit d’une vieille grange
Et je démange sur la ligne orange je démange
De ne pouvoir rivaliser avec la non-ruralité
De ma réalité enferaillée à mon enfance évadée
L’adulterie en (bis) chaque jour comme seule toute à répondre
Le « y faut que » bord de lèvre qui sort chaque fois que je méandre
Quotiennerie, bouffonnerie, l’argent au coeur de vie

Bruit de métro.
La porte ferme et il fait chaud.

Je tombe au creux des bras du seul banc solo
Et je résine, je t’imagine.
En sourdine, en sardine, en tartine
Les yeux fermés les lèvres gercées
J’ai des souvenirs comme oreiller
À la station Sauvé.

La Vérendry est en slinky dans mes désirs les plus funky,
Mais j’reste ici, par là, par ci-monie de moi de toi de nous d’eux
Je veux :
Un soluté au lac tiède dans mes soucis d’intraveineux
Une translation de lieux en lieux
Le temps d’un songe d’une nuit d’été
Entre Rosemont et Laurier
Je veux :
Un grand canot abandonné, un p’tit racoin de poêle à bois
Le temps d’un film de série B
Le temps de faire sécher les draps
Le temps d’une marche au fond du bois, le temps d’un pas, d’un jappement de chien, d’une toune de Richard Desjardins
En nostalgie dans le char d’une amie au karaoké ou dans une allée d’épicerie
Je veux :
Te sentir me toucher.
M’effleurer
Respirer bon l’automne l’hiver le printemps et l’été
Rapprocher les extrémités le temps de me tremper le bout du bout des pieds au bout du bout du quai
En raquettes en jaquette en gougounes en guidoune en maillot en manteau
En rien, en toute
Juste pour dire
Juste pour rire

Rire en échos jusqu’aux collines d’à l’envers, l’autre bord d’la roche, en d’sous de la terre en glaise entière en beau en laitte en amour en tout croche
En rien, en toute

Juste un peu de résine autour des doigts
Un huard de centime de toi direction Guy Concordia.

Bruit de métro.
Encabanée dans un wagon
Le trajet reste long.

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Julie Renault

Julie Renault

Julie est auteure et comédienne née à d'Alembert et habitant maintenant Montréal. La dualité entre partir ou rester l'habite constamment, ce qui la pousse à voyager et tourner un peu partout avec ses projets artistiques. Marionnettiste, poète, musicienne non assumée et tapppeuse de botte, elle a fondé depuis peu sa compagnie, Le théâtre en Quec'Part, dont le mandat est de créer des ponts artistiques entre les grands centres et les régions. Elle lit présentement L'avalée des avalés de Réjean Ducharme.
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