Un gun, sérieux

Un gun, sérieux

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Les étoiles hurlaient leur lointaine existence au-dessus de ma tête, peut-être mortes depuis des lunes, un écho distant dans la nuit.

Le déficit notoire de transport collectif force bien des adolescents à ne devoir se fier qu’à eux-mêmes pour se déplacer dans la région; au moment où les hormones ont brulé le tapis et que plus aucun couvre-feu ne tient, on mord à pleines dents dans la liberté si longtemps convoitée. Mais comme toute chose, ça vient avec une crosse; va où tu veux, mais arrange-toi avec tes troubles pour revenir!

Formateur.

C’est l’été mais y fait frette… Ça fait deux heures que je marche. Je quitte la route principale et j’entre dans le chemin : c’est la portion la plus tordue de ma route. Sur le coup, j’essaie de m’encourager parce que le bout le plus long est derrière moi, mais le plus long bout ne veut pas dire le pire.

Quand tu te ramasses tu’ seul avec toi-même, pendant une longue période de marche, disons qu’à moins d’avoir le cerveau d’une perchaude, ça laisse du temps pour réfléchir.

Le dix piastres pour le taxi a fini par revoler, s’incarnant dans une dernière grosse 50. C’est aussi ça la vie! Bravo champion, cette décision vient avec un trajet de 10 km à pied.

La ville est déjà loin. J’entre dans le chemin bordé par les arbres, sans aucun autre éclairage que la voûte céleste. L’ambiance vient de faire une ultime convulsion, j’pense qu’est morte.

Le bois est dense, pas un son, quatre heures du matin. Le pas est bon, le lit me manque.

C’est arrivé. Je savais.

J’entends très clairement quelque chose bouger, dans le bois à quelques mètres de moi. J’ai vraiment aucune idée c’est quoi; certainement pas un écureuil si j’me fie au bruit. Le Wendigo?

Le rationnel n’opère plus. Au fond, on a plus de chances de sortir de Berri-UQAM sans se faire quêter que de tomber sur une créature qui se délecte de chair humaine dans le fond du bois en banlieue de Val-d’Or, mais ce moment d’horreur est viscéral, inévitable. Un réflexe ancré chez notre espèce qui a bien dû contribuer à sa pérennité à un moment ou à un autre.

« Je fuis, donc je suis… Encore. »

Je ne suis plus en train de penser à mes délicieux péchés. Toute rêverie est instantanément annihilée par la peur, pure, simplement animale. Selon l’humeur, j’accélère le pas, je me barre, je fuis, je sprinte ou je sacre mon camp. Bien que je n’aie aucune idée de ce qui se manifeste dans le bois, je suis incapable de penser que c’est un bon présage. L’idée de la confrontation, de la bravoure, ne m’a jamais traversée l’esprit. Flee or fight, mon choix n’est pas long.

« J’aimerais vraiment ça avoir un gun. Un gun, sérieux. »

Le niveau supérieur de terreur serait d’entendre des rires d’enfants provenant de l’obscure étendue d’épinettes noires… Je crois que je m’autocombustionne sur le champ, le cas échéant.

Il demeure qu’à Montréal, il est possible de se sentir encore plus seul que dans l’immensité de la nuit boréale, j’en suis certain.

*Le wendigo est une créature surnaturelle, maléfique et anthropophage, issue de la mythologie des Amérindiens algonquiens du Canada, qui s'est étendue à tout le folklore d'Amérique du Nord.
Vincent Noël

Vincent Noël

Natif de Val-d’Or et ayant complété ses études à Montréal, Vincent habite aujourd'hui la belle région du Saguenay Lac-St-Jean.
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