J’ai juste envie d’être dans le bois. De me rouler à terre dans la boue, de sniffer l’odeur des épinettes pis de flatter des roches. Oui, je viens de dire que j’envie de « flatter des roches ». J’ai besoin de me connecter avec du vrai. J’en peux plus de toute cette technologie. C’est ironique, bien sûr, parce que j’écris ces mots depuis mon ordinateur. C’est plutôt de mon cellulaire en tant que prolongement de moi-même dont j’ai marre. J’ai supprimé récemment les applications Facebook et Instagram de mon iPhone et je cohabite depuis avec un sympathique sentiment de liberté. Pas désagréable, le nouveau coloc. Pis la batterie de mon cell n’a jamais mis autant de temps avant de se vider.
Petite précision : Je ne fais pas, ici, le procès des réseaux sociaux. Je m’en fous, j’ai pas de leçon à donner à personne et je suis bien mal placée pour dire à qui que ce soit de faire ceci ou cela. À chacun sa relation avec les internets, vivre et laisser vivre. Cela dit, j’ai plutôt envie de partager mon expérience, des fois que ça rejoindrait quelqu’un, quelque part.
Je réalise plusieurs choses depuis que je m’éloigne tranquillement des réseaux sociaux. Je suis une personne qui donne dans les extrêmes. Tout ou rien. Noir ou blanc. J’arrivais pas à faire une saine gestion de ceux-ci. J’ai constaté récemment que depuis quelques années, tout ça avait pris beaucoup trop de place dans ma vie. Le soir, avant de dormir, je scrollais mes feeds Facebook et Instagram et je stalkais les profils de gens que je ne connaissais même pas. Je passais de longues minutes à espionner la vie « parfaite » de Pierre, Jean pis Jacques en allant même, trop souvent, jusqu’à la comparer avec la mienne. Une fois la nuit passée, je me réveillais et m’attelais au même scénario en m’assurant de rattraper la dernière publication vue avant de fermer l’œil la veille, histoire de ne rien manquer. Je ne manquais donc rien de la vie des autres, mais, pendant ce temps-là, je passais pas mal à côté de la mienne.
J’ai pogné mon mur quand Facebook m’a souhaité, y’a quelques semaines, un bon 10e anniversaire. Dix ans à publier des photos, des statuts, des états d’âmes. À espérer que le monde like parce que c’est de cette manière-là que j’arrivais à me sentir importante et appréciée. C’était comment, la vie, avant Facebook ? Plus j’avais de likes, plus j’étais heureuse (que j’pensais). Quand mes publications étaient spontanées, ça allait encore. J’ai commencé à trouver ça plus aliénant quand je me suis mis à perdre des minutes puis des heures, à trouver la formulation qui me permettrait d’aller reacher le plus de pouce en l’air. Pour finir, la plupart du temps, par ne rien publier ou pire, publier un truc et le supprimer quatre minutes plus tard parce que personne n’avait encore liké. L’angoisse ; une publication avec juste cinq likes.
Sans parler de ces moments où je me revois partir en randonnée dans le bois et sortir mon iPhone à tout bout de champ pour prendre en photo chaque angle du paysage à la recherche du spot qui allait me permettre de scorer fort une fois la photo décorée d’un beau filtre. Parce que la photo sans retouche faisait pas l’affaire, fallait bien lui rajouter un petit quelque chose pour accrocher l’oeil. La vie telle qu’elle est n’est évidemment pas assez belle. Je commençais même à trouver une activité moins invitante si je savais que j’étais pour manquer de batterie en cours de route. Je fais quoi si j’ai plus assez de jus dans mon téléphone pour prendre en photo un futur moment qui pourrait être beau ? J’avais la main sur le gun, prête à toute, tout l’temps.
Après avoir pris conscience de ces deux affaires-là, j’ai ressenti un profond sentiment de dégoût mais surtout, j’ai ressenti un énorme vide. J’ai réalisé que je vivais ma vie à travers un écran de téléphone et ça m’a donné le vertige, ça m’a fouetté en pleine gueule. C’est à ce moment-là que j’ai pris la décision de supprimer les deux applications de mon cellulaire. Fini le scrollage dans les files d’attente à l’épicerie. Depuis, je m’ouvre sur mon environnement et je compte, par exemple, le nombre de boîtes de Eggo que la madame devant moi a dans son panier.
Il s’est passé quelque chose d’assez intense la première fois que je suis allé dans le bois sans ces applications sur mon téléphone. J’ai ressenti une réelle connexion avec la nature. J’ai été happée par une énergie vivifiante et pure. De quoi de borderline ésotérique. Je pensais pas au nombre de likes que j’irais chercher en publiant une photo du ruisseau que je trouvais si beau. J’étais concentrée sur le fait que j’étais bien et surtout, que j’étais 100% présente au beau milieu de la forêt que je trouvais plus sexy que jamais. Comme si j’étais enfin ouverte et réceptive à ce qui m’entourait, une fois l’emprise de la technologie disparue. Liberté, osti. J’ai eu envie de pleurer.
Depuis, ces envies d’aller dans le bois se multiplient. J’apprends à faire les choses pour moi, pas pour mes futurs likes sur Facebook. J’ai donc plus de temps pour faire du yoga, pour méditer. Pour bien manger. Pour refaire le monde avec mes amies. Pour lire des livres. Pour tricoter. Pour laisser monter en moi des sentiments ou des émotions, de la volonté même, et ce, pour les bonnes raisons. C’est peut-être l’amalgame de tout ça finalement qui me fait sentir aussi namaste. Parce qu’au final, je prends désormais du vrai temps pour moi. Seule à seule avec moi-même, sans avoir le réflexe de prendre une selfie pour montrer au monde sur les réseaux sociaux que je prends soin de moi.
Aujourd’hui, mon seul lien avec les réseaux sociaux reste Facebook auquel j’accède seulement via un ordinateur. Ça a réduit considérablement mon temps de scrollage quotidien. Je crois avoir trouvé la formule qui me permet d’avoir une relation plus saine avec les médias sociaux. Peut-être même, éventuellement, disparaître de cette plateforme qui dépose sans scrupule une pub d’Aveeno dans ton feed cinq minutes après que tu sois allé t’acheter une crème de cette même sorte à la pharmacie. True story, ça m’est arrivé. C’est fucking épeurant. Les arbres pis les roches eux, y nous espionnent pas comme ça.