C’t’un peu débile pareil. Quand j’y repense, on dirait qu’on est les seuls avec une time machine, qu’on reste l’autre bord de l’espèce de « Warp zone » du Québec.
Moé tsé, j’ai pas d’char. Faque mettons que j’veux aller à Montréal ou d’in « grands villes », ben faut je prenne l’autobus. Tu sais qu’à’ base t’en a pour 7-8 heures de ride, dépendamment d’où tu t’enlignes rendu à Montréal. Moi j’ai pas de trouble avec ça, même que ça m’calme.
Dans n’importe quelle ride de char, faire des longues distances ça m’stress pis j’suis anxieux tout le long. J’t’un peu moumoune mais j’ai mes raisons tsé. La grand route a déjà enlevé trop d’monde, j’ai pas envie qu’on me retrouve entre des morceaux de chars pétés.
Anyway, ce que je disais c’est que ça me calme l’autobus, pis surtout quand y faut que je voyage des longues distances comme ça. De soir de préférence. Tsé, t’arrives au terminus avec un peu trop de bagage pour rien parce que tu t’en va juste passer une fin de semaine ailleurs, tu dompes ça dans la fameuse soute en dessous du bus en espérant que le chauffeur le mette pas trop loin, va savoir pourquoi. On a probablement peur qu’ils se perdent dans le fond comme une sécheuse qui avale nos bas.
Ensuite, tu montes les 2-3 petites marches pis tu fais la fameuse « marche de l’allée ». C’est toujours une sorte d’événement en soi. Si y a pas de monde c’est pas si pire, mais c’est toujours le bout où tes partners de voyage (ceux qui sont déjà assis) jugent avec qui qu’ils font la ride. « Tu vas-tu être bruyant? » « Calvaire, y a ben du stock! ». « Bâtard, j’aurais dû m’amener un oreiller moé avec » qu’ils se disent.
Pis là, si c’est bondé un peu, t’essayes toujours de spotter la place où qu’y a pratiquement personne, t’essaye d’avoir ta bulle à toi. Ou ben t’essayes de t’assoir proche du beau gars/belle fille, d’un coup qu’a manquerait de batteries pour son téléphone pis t’as drette la plug qu’il lui faut. Ça start ben une conversation!
Ce que j’aime ben aussi, c’est m’assoir derrière, de biais, à quelqu’un qui regarde des trucs sur son laptop. Comme ça, quand j’t’un peu tanné de checker le décor, ben j’essaye de catcher ce qui se passe dans sa série ou je leur invente un background.
Faque là t’es assis, tes affaires sont placées comme tu veux : la p’tite bouteille d’eau dans le filet du banc devant toi, l’appui bras ben descendu pis t’es pas assis du coté de la fenêtre là, nenon, sur le bord de l’allée. D’un coup que quelqu’un feelerait pour s’assoir avec toi, ça va être trop de trouble. Ton sac à dos à déjà pris sa place à coté d’toi!
Tu start ta musique, mais pas trop fort pour entendre le chauffeur quand y va venir puncher ton billet pis savoir si y aurait pas des stops de plus durant la ride. Ça arrive jamais mais bon, j’aime ça savoir ce qui se passe. P’tit papier en standby, le bon monsieur passe pis te fait un trou dedans.
T’es digne maintenant! Tu le remercies pis t’attends encore un peu en défendant ta bulle.
Y en a toujours un ou deux qui arrivent à’ seconde près avant que le bus décolle. Sauf là, t’as monté ton son pis tu commences par l’album que tu t’étais gardé pour la ride. L’intro commence en même temps que tu sens le bus commencer à reculer. Yeah!
Toé pis ton « packsac » switchez de place. Tu t’installes confo, dans’ mesure du possible, dans ton banc en le reculant un peu sans vouloir gêner la personne derrière toi pis tu sors l’appuie-pied – que tu va resserrer dans même pas vingt minutes.
L’autobus sort de la ville, les lumières intérieures ferment. On est pu juste éclairé par les lumières des chars qui ont oublié d’enlever leur hautes pis les écrans de laptop pis de cellulaire. On avance dans l’noir d’la 117 avec toute notre confiance mise dans le p’tit chauffeur de bus à moustache qui connait la trail comme s’il l’avait tapé lui-même. Chacun est occupé à sa petite affaire, moi c’est ma musique. L’autre d’en avant essaye de rattraper un peu de sommeil pis tu te demandes comment il a fait pour s’endormir aussi vite dans le bus. T’es content parce que 2-3 bancs derrière toi, y a la petite madame qui lit son livre pis qui a allumé la p’tite lumière d’en haut. Tu te dis que si t’essayes de dormir, au moins ça te gênera pas.
C’est là que tu rentres dans l’espèce de vortex spaciotemporel de la 117.
Voyager là-dessus, de nuite, c’t’un peu comme rentrer dans un trou noir. Y a pu rien qui existe. Le temps existe pu, les lieux n’existent plus. Tu te perds dans tes pensées, dans ton sommeil, t’es entre deux mondes. Tout est aspiré dans un vaccuum d’arbres pis de pancartes qui défilent à 110 km/h devant tes yeux. Un peu comme quand le Millenium Falcon tombe en vitesse lumière.
Tu sais que t’es dans l’parc, mais tu te demandes si vous êtes pas juste nul part. Tu t’endors, tu t’réveilles, t’essayes de trouver un point de repère quelque part – à part checker l’heure pour te donner une idée t’es où (je déteste faire ça, j’aime mieux guesser!). Tu t’rendors, te re-réveilles pis le gars en avant de toi était finalement pas capable de dormir pour vrai. Y gosse un travail sur son ordi pour l’école (maudit, j’voulais une série moi).
Tu te rendors encore pis tu te réveilles en sursaut parce que l’album que t’écoutais est fini pis le next, que le son est une coche au-dessus, viens d’embarquer. T’espères que personne t’as vu jumper de ta chaise. Tu te rendors…
La lumière allume pis le capitaine de votre vaisseau fantôme annonce que vous arrêtez un petit 45 min pour manger. Qui qui a faim à ce stade-là de la ride? On était toute en espèce d’hibernation! Pas grave, on se ramasse toute quelque chose en se disant que tantôt on va ben avoir faim. Au pire juste sortir dehors pour te dégourdir pis checker la face endormie et confuse du monde est une excuse valable pour aller te chercher une autre bouteille d’eau.
Notre navette redécolle, les lumières disparaissent, leur combat perdu, les lampadaires laissent place à leurs ancêtres qui sont beaucoup plus nombreux de toute façon. La musique repart, mais moins forte. Ce coup-là, j’va essayer de dormir pour vrai, tsé.
On se laisse disparaitre tranquillement d’la map, d’la terre entière, de l’univers en se disant : « Shit, on’ n’a pour un boutte encore ».